Vingt ans après en avoir été chassés, les combattants islamistes ont repris la capitale afghane. Le président Ashraf Ghani a quitté le pays.
Par Tanguy Berthemet
Kaboul est tombée en quelques heures, sans combattre, scellant la victoire complète des talibans. Dimanche matin, les miliciens islamistes étaient dans les faubourgs de la capitale , devenue non officiellement une ville ouverte. Quelques heures plus tôt, ils avaient libéré les prisonniers de Pul-e Charkhi, l’immense prison de la ville. Pour éviter des «pertes de civils innocents», les responsables talibans ont ordonné à leurs troupes de freiner leur avancée.

«L’émirat islamique ordonne à toutes ses forces d’attendre aux portes de Kaboul, de ne pas essayer d’entrer dans la ville», annonçait en fin de matinée, sur Twitter, Zabihullah Mujahid, un porte-parole du mouvement. Dans ce communiqué, il promettait aussi une prise dans le calme, sans aucune vengeance envers les militaires ou les fonctionnaires ayant servi les autorités. Il assurait que toute personne désireuse de quitter la ville, notamment les étrangers, n’en serait pas empêchée. Dans une intervention à la BBC, Suhail Shaheen, un autre porte-parole, a affirmé que les talibans désiraient une «transition pacifique» sans se presser, «dans les jours prochains».
Une invraisemblable attaque éclair
Les promesses rassurantes ne semblent pas avoir tenu longtemps. En début de soirée, plusieurs témoins assuraient que des combattants talibans étaient entrés dans la capitale. Des coups de feu étaient entendus dans les faubourgs. Pour un responsable du mouvement, ce déploiement était une simple opération de police pour «éviter des pillages» alors que la police officielle et l’armée gouvernementale se sont largement absentées. Les troupes islamistes auraient pris le contrôle des postes de police et de plusieurs ministères ainsi que de l’université. Peu avant 10 heures, ils passaient les grilles du palais présidentiel, vingt ans après leur chute, dernière étape d’une guerre éclair qui ne leur aura vraiment pris qu’une dizaine de jours.

L’invraisemblable blitz conduit par les talibans a piégé des milliers de diplomates, d’expatriés travaillant pour des ONG ainsi que de leur personnel local. Dans la nuit de samedi à dimanche, les talibans ont exécuté leur ultime poussée, s’emparant à la nuit tombante et sans presque aucun combat de Mazar-e Charif. Cette grande ville du Nord était défendue par des seigneurs de la guerre qui juraient de la défendre, avant de prendre la fuite en hélicoptère vers l’Ouzbékistan. À l’aube, les talibans entraient calmement dans Djalalabad, dernière grande ville provinciale à résister. La cité, située sur l’autoroute conduisant vers le Pakistan, est une prise stratégique majeure. Sa chute complète l’isolement total de Kaboul, ne laissant que l’aéroport international comme porte de sortie.
Par Tanguy Berthemet