COMPRENDRE CE QUI SE PASSE ACTUELLEMENT DANS LE SAHEL AVEC CE DOCUMENT DATANT DE 2017

La Croix, le 05 Mars 2017. Dans le Sahel, Al-Qaida consolide son emprise

Par Ludivine Laniepce, à Ouagadougou (Burkina Faso)

Trois groupes terroristes présents dans cette zone à cheval sur plusieurs pays (1) ont annoncé leur fusion avec Al-Qaida. « Cette annonce ne change pas la donne, tempère un autre fin connaisseur du dossier. Leur détermination va croître, leur dangerosité aussi. Mais Ag Ghali et Belmokhtar sont avant tout des entrepreneurs politiques et le terrorisme un moyen de servir leur ambition. Il importe à présent de scruter la réaction de l’Algérie et des autorités de Bamako, car il y a des protections. »

Quels groupes composent cette nouvelle coalition ?

Dans une vidéo envoyée jeudi 2 mars à l’Agence Nouakchott Information (ANI), l’agence mauritanienne qui relaie les communiqués des groupes islamiques du Sahel, cinq hommes délivrent leur message d’union dans une excellente maîtrise de leur communication.

Au centre, celui qui s’exprime face à son ordinateur porte des lunettes, une barbe et un turban noir. Il s’agit du Malien Iyad Ag Ghali, figure de la rébellion touarègue et chef du groupe islamiste Ansar Dine, actif contre les forces françaises et africaines présentes au Mali. À ses côtés, Amadou Koufa, un Peul à la tête de la katiba du Macina, connu pour ses prêches et son influence dans le centre du Mali.

Les autres : des hommes de Mokh­tar Belmokhtar, l’Algérien insaisissable, plusieurs fois donné pour mort, du groupe Al-Mourabitoune, poids lourd du terrorisme en Afrique de l’Ouest. Ensemble, ils forment désormais « Jammaat Nasr Al islam wa Al mouminin » : le « Groupe pour la victoire de l’islam et des fidèles », réuni derrière Iyad Ag Ghali sous la bannière d’Al-Qaida.

Que signifie cette annonce ?

Cette nouvelle coalition n’est pas une surprise pour les observateurs de la crise malienne et du terrorisme en zone sahélienne. Mais elle souligne que les groupes armés non étatiques sont capables de s’adapter face à l’armée malienne, aux 12 000 éléments de la Mission onusienne de stabilisation au Mali (Minusma) et aux 3 500 soldats français de l’opération Barkhane.

« C’est un échec commun qui montre la limite des forces militaires car on revient à la situation de 2012 au Mali, explique un expert du Sahel. Et les forces armées vont avoir peur parce que maintenant, en face, c’est Al-Qaida. ». « Aujourd’hui, on constate que ces groupes n’ont plus d’antagonismes, précise cet expert. Cette coalition représenterait plusieurs centaines d’hommes. Ils sont dans une dynamique glorieuse et disposent d’un bassin de recrutement énorme en Afrique de l’Ouest. Des Marocains comme des Sénégalais peuvent les trouver attractifs. »

Faut-il craindre d’autres rapprochements ?

On peut s’attendre à l’enrôlement de nouvelles recrues, d’autant que le terreau régional est fertile : désœuvrement de la jeunesse, faiblesse des États, crise libyenne et recul de Boko Haram. Les autres groupes terroristes de la zone ont des liens avec les membres de cette nouvelle coalition. Parmi eux, Ansarul Islam, dernier-né de la constellation et premier groupe structuré au Burkina Faso, où un directeur d’école et un villageois ont été tués vendredi 3 mars près de la frontière avec le Mali. Son leader, le Burkinabé Malam Ibrahim Dicko, serait un proche d’Amadou Koufa.

« Cette annonce ne change pas la donne, tempère un autre fin connaisseur du dossier. Leur détermination va croître, leur dangerosité aussi. Mais Ag Ghali et Belmokhtar sont avant tout des entrepreneurs politiques et le terrorisme un moyen de servir leur ambition. Il importe à présent de scruter la réaction de l’Algérie et des autorités de Bamako, car il y a des protections. »

LA REDACTION

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Next Post

DATA : Panama, paradis des bateaux de marchandises

jeu Déc 26 , 2019
Difficile de perdre les mauvaises habitudes. C’est ce qu’illustrent les données récentes sur le Panama. L’OCDE vient de rendre publique son évaluation de la volonté des pays de remettre en cause les pratiques fiscales internationales douteuses. Après les « Panama Papers », le pays reste mal noté, ses efforts obtenant un avis « partiellement […]